- INFORMATIQUE - Informatique et médecine
- INFORMATIQUE - Informatique et médecineDepuis les travaux des premiers pionniers américains vers la fin des années cinquante, les centres de calcul biomédical se multiplient partout dans le monde, et le nombre des biologistes et des médecins qui, directement ou indirectement, utilisent couramment les méthodes de l’informatique croît de plus en plus vite.L’informatique est, avant tout, un vecteur de méthodes très générales. Le chercheur , en biologie ou en médecine, dispose maintenant, grâce à l’ordinateur et au software qui l’anime, de techniques statistiques élaborées, de systèmes documentaires automatiques, de méthodes de simulation puissantes; il peut ainsi traiter ses problèmes très spécifiques à l’aide de méthodes scientifiques très générales. La gestion d’un centre hospitalier moderne, au niveau des services administratifs comme au niveau des services médicaux, exige le recueil, le tri, le stockage et le traitement intégré des très nombreuses informations que l’on doit utiliser au service direct ou indirect du malade. Les mêmes méthodes de gestion sur ordinateur qui ont fait leurs preuves dans la banque, dans l’usine ou dans l’entreprise méritent donc d’être utilisées à l’hôpital.Mais l’informatique biologique et médicale ne peut rester localisée au laboratoire ou à l’hôpital. Elle aide le médecin praticien par des banques d’information aisément consultables. Elle s’est développée aussi vers le domaine plus vaste de la santé publique. Elle s’est appliquée enfin au domaine de la formation des biologistes et des médecins; non seulement par les moyens techniques d’enseignement qu’elle permet de plus en plus (enseignement programmé; simulation de malades), mais surtout par les remises en causes qu’elle exige et par son caractère interdisciplinaire.L’informatique dans la recherche biomédicaleL’ordinateur permet d’«importer» en médecine et en biologie des méthodes scientifiques puissantes et de les mettre en œuvre.Les méthodes statistiquesNon seulement les machines modernes exécutent rapidement et facilement les calculs les plus délicats, mais aussi le programme assure l’enchaînement des opérations et décharge ainsi les utilisateurs des calculs et même de la coordination des opérations. Le fait est d’autant plus important que les méthodes statistiques se sont considérablement développées dans le dernier quart du XXe siècle, en liaison avec le perfectionnement technique continuel que l’informatique a connu. Les techniques complexes de calcul utilisées, sont particulièrement intéressantes pour le biologiste et le médecin, qui ne disposent souvent que de petits échantillons avec de nombreuses variables. Les programmes disponibles dans les bibliothèques de programmes aident les équipes médicales à exploiter leurs données (tests d’efficacité thérapeutique, contrôles divers).Plus généralement, les méthodes statistiques sont liées à l’approche mathématique des problèmes: des systèmes de classification automatique issus des méthodes d’analyse factorielle ont été expérimentés en nosographie clinique (classification méthodique des maladies); des algorithmes de décision dérivant de la théorie des questionnaires ont eu des applications pratiques (centres anti-poison, centres de check-up ).L’informatique documentaireL’informatique documentaire aide le médecin à maîtriser une énorme masse de références bibliographiques qui augmente de façon importante chaque année (plusieurs centaines de milliers d’articles biologiques ou médicaux paraissent chaque année dans plusieurs dizaines de milliers de périodiques). L’intervention de l’informatique éclaire d’ailleurs sous un jour nouveau le problème documentaire; la notion traditionnelle de «classification», par exemple, est abandonnée ou profondément modifiée: son rôle était d’éviter l’exploration de tous les documents d’un centre de documentation pour répondre à une demande, grâce à l’exploration d’un sous-ensemble; or la rapidité de l’ordinateur permet d’éviter cette subdivision préalable et arbitraire, en la remplaçant par une indexation des documents à l’aide de mots clefs tirés des documents eux-mêmes. Des dictionnaires de synonymes et des thesaurus, consultés automatiquement par le système, retrouvent les mots précis utilisés dans l’indexation des documents à partir des mots souvent vagues de la demande (ainsi, une demande concernant le traitement du cancer sera automatiquement transformée en sous-demandes concernant le traitement des épithéliomas, des sarcomes, etc.). On cherche, en somme, à éviter le «silence» documentaire sans trop augmenter le «bruit» (documents parasites).Mais l’informatique documentaire n’est qu’un aspect du développement de l’informatique «non numérique» qui s’occupe du traitement des textes, et plus particulièrement des textes en langage naturel (anglais, français, etc.). On sait interroger ces centres de documentation d’une manière aussi proche que possible du langage naturel de l’utilisateur. De plus, les centres de documentation ne se limitent plus à stocker des références bibliographiques, mais évoluent vers la «banque d’information», c’est-à-dire la «banque de données». Toutefois, l’exploitation statistique a posteriori de données recueillies sans critères d’acquisition très précis reste très délicate, et bien des erreurs méthodologiques sont à craindre. Il n’en demeure pas moins vrai que l’exploitation conversationnelle souple de fichiers documentaires constitue un élément obligé dans la recherche actuelle en informatique médicale. Ces travaux apportent en particulier des éléments de solution au problème pratique majeur du dossier médical.Les méthodes de simulationDe plus en plus utilisées par les biologistes et par les médecins, les méthodes de simulation sont devenues un des outils fondamentaux de la biologie quantitative.Simuler, c’est substituer à un phénomène réel complexe un phénomène «construit» plus simple, un modèle. Cela fait déjà longtemps que les physiciens ou les ingénieurs simulent, par des montages électriques par exemple, les vibrations d’une aile d’avion ou le fonctionnement d’un barrage.Qu’il soit exploité sur calculateur analogique ou sur ordinateur, un modèle traduit un ensemble formalisé d’hypothèses quantitatives précises, le plus souvent sous la forme d’un système d’équations différentielles. Le comportement du modèle est alors comparé avec ce que l’on connaît du système réel. La similitude quantitative des comportements ne «prouve» pas que le modèle correspond à la réalité (plusieurs modèles, de principes très différents, peuvent se comporter globalement de façon voisine), mais un écart net entre les deux comportements met en évidence la fausseté ou l’insuffisance des hypothèses faites, certitude que l’on ne pourrait acquérir autrement. C’est ainsi que les chercheurs expérimentent «artificiellement» des modèles de régulation endocrinienne, nerveuse, biochimique, etc. Constructeurs et utilisateurs mettent au point des systèmes de programmation qui rendent beaucoup plus aisées et beaucoup plus puissantes les phases de programmation et d’exploitation numérique de cette expérimentation simulée, permettant au biologiste et au médecin d’apporter tout son temps et tous ses soins à l’expérimentation réelle et à la formalisation de ses interprétations.Informatique et biologieL’ordinateur est, pour le biologiste, un instrument de travail presque aussi répandu qu’il l’est pour le gestionnaire d’une entreprise ou pour le spécialiste de physique nucléaire; car son rôle dans la recherche biologique, pure et appliquée, est devenu essentiel à plusieurs niveaux.Les biologistes travaillent souvent dans des conditions expérimentales relativement plus difficiles que les ingénieurs ou les physiciens, car les données mesurées sur l’animal sont soumises à des contraintes expérimentales particulières. L’ordinateur ne peut évidemment pas modifier directement ces contraintes; il peut pourtant aider considérablement le biologiste aussi bien au niveau de l’acquisition des données qu’au niveau de leur traitement.Des systèmes extrêmement évolués d’acquisition et de traitement de données biologiques fonctionnent dans certaines universités et dans des laboratoires. L’ordinateur n’y est plus seulement un instrument de calculs statistiques complexes. Il permet surtout de gérer , en temps réel, l’acquisition des données expérimentales, pour les traiter au fur et à mesure de leur obtention. Dans un tel système, un ordinateur central puissant contrôle en général d’autres ordinateurs spécialisés pour l’acquisition et la conversion digitale de données analogiques (travail en réseau). L’ensemble du système peut fonctionner en temps partagé, ce qui permet de servir plusieurs laboratoires qui travaillent dans des domaines souvent très différents. L’existence même de telles installations fait apparaître, à l’évidence, le rôle complexe de l’informatique dans les disciplines expérimentales en général et la biologie en particulier.Rôle en médecine clinique et en santé publiqueL’informatique peut aussi aider directement le médecin hospitalier dans son activité clinique auprès du malade: il s’agit souvent d’une évaluation ponctuelle ou d’une surveillance continue. Le dépouillement automatique des tracés électriques (les électrocardiogrammes) ou la surveillance automatique des grands malades (monitoring ) en sont des exemples.L’analyse automatique des électrocardiogrammes est un des meilleurs exemples de «programme d’aide au diagnostic ». On peut mesurer les caractéristiques morphologiques d’un électrocardiogramme (ECG) et en déduire automatiquement un diagnostic électrocardiographique; l’essai clinique contrôlé (ECC) est une méthodologie permettant d’établir une relation entre un processus et un résultat. De tels programmes se présentent surtout comme un instrument d’évaluation fidèle qui autorise de vastes enquêtes épidémiologiques (par exemple: comment prévoir l’infarctus du myocarde? comment le prévenir?). Ils représentent, en outre, une aide au diagnostic pour les maladies du cœur et les maladies cardiovasculaires, lorsqu’ils peuvent être utilisés en clinique.La surveillance automatique des grands maladesLa surveillance automatique consiste à connecter, le malade à l’ordinateur au moyen de «capteurs» variés. Parmi les données ainsi acquises par le système, en temps réel, on trouve diverses températures internes ou externes, des pressions (veineuse, artérielle et même intra-cardiaques), la composition de l’air expiré, les débits ventilatoires. L’ordinateur stocke ces données supplémentaires telles que des résultats de dosages chimiques effectués en temps différé, et des informations cliniques. Il les affiche périodiquement sur les terminaux sous une forme élaborée et condensée, et alerte le personnel de surveillance en cas de besoin. Les critères d’alarme jouent si l’une des variables (température, tension artérielle) s’écarte d’une certaine «fourchette» prédéterminée; le service est informé si l’évolution de l’ensemble des variables se fait dans un sens inquiétant, même si chaque variable reste individuellement encore entre les limites tolérables. De telles procédures supposent évidemment que le personnel de ces centres de monitoring connaisse les «modèles d’évolution du choc» mis sous forme de programmes incorporés au fonctionnement du système pour permettre à celui-ci de réagir de plus en plus efficacement. Notons à ce propos que si les centres de monitoring exploitent simultanément la plupart des ressources de l’informatique appliquée à la médecine, il leur faut en contrepartie affronter simultanément les difficultés que cela représente, notamment l’acquisition en on-line de données analogiques dans des conditions matérielles différentes (mouvements du malade, par exemple), le risque de pannes variées, le travail en équipe multidisciplinaire complexe, etc.Le dossier médicalC’est sur le dossier médical que repose l’exercice de la médecine et de la recherche médicale appliquée; il permet de suivre les malades et constitue la source pratique des informations qui conduisent à élaborer des hypothèses et à tester leur validité. Or les dossiers médicaux sous leur forme traditionnelle étaient très difficiles à exploiter. L’informatique permet de retrouver rapidement certains dossiers parmi d’autres, les dossiers restant sous leur forme usuelle, ou même en traduisant tout ou partie du dossier dans un langage directement exploitable par la machine. De nombreuses recherches dans ce domaine ont eu lieu: différentes expériences sont faites dans des départements médicaux spécialisés et dans des centres hospitaliers. La prise en compte du dossier du malade par la convention négociée en 1993 entre la C.N.A.M. et les syndicats médicaux souligne l’importance de cet enjeu.L’aide au médecin praticienPratiquement, les médecins praticiens auront accès, par des terminaux conversationnels, à des centres de traitement publics ou privés qui gèrent une partie de leurs dossiers et leur fournisent une documentation maintenue à jour sur les médicaments, les règlements administratifs, les éventualités à prendre en considération, compte tenu de certains résultats d’analyses biologiques, etc. L’informatique, loin de diminuer le rôle du médecin praticien, lui donne au contraire les moyens de prendre plus de responsabilités. Cela équilibre la tendance de ces dernières années où l’on a souvent vu le médecin généraliste privé s’effacer devant le spécialiste ou l’hôpital, tendance qui n’est pas sans inconvénients pour le malade (séparation du milieu familial) et pour la société (coût extrêmement élevé de l’hospitalisation).La santé publiqueL’informatique en biologie et en médecine s’est d’abord développée dans les centres médicaux spécialisés, puis au niveau de la santé publique, à l’échelle nationale et internationale: dans les hôpitaux universitaires (pour la recherche), dans les hôpitaux (logistique, gestion et administration, planification). Il s’agit de gérer des informations nombreuses et d’origine très diverse (fichiers de vaccination, de groupes sanguins et tissulaires) dont l’accessibilité est malaisée pour diverses raisons (secret médical, loi «informatique et libertés»); on peut ainsi mieux prévoir et contrôler le développement des épidémies, des pollutions diverses, déceler les influences médicamenteuses dangereuses pour les malades ou pour leur descendance, fournir des données utiles aux médecins, aux législateurs, aux urbanistes.L’informatique, agent d’évolution en éducation médicaleLes progrès accélérés de la médecine et de la biologie posent déjà de graves problèmes au niveau de la formation des biologistes et des médecins; l’éducation médicale devient, partout dans le monde, une véritable discipline qui tente d’analyser et de résoudre ces problèmes. L’informatique semble à première vue devoir les aggraver encore, puisqu’il s’agit d’une discipline, nouvelle et difficile, à ajouter à un curriculum déjà surchargé. Pourtant il semble qu’elle apporte également, au moins potentiellement, des solutions.Les méthodes d’enseignement médical automatiséCertaines méthodes d’enseignement automatisé ne sont pas spéciales à la médecine (cf. enseignement PROGRAMMÉ). L’enseignement assisté par ordinateur (EAO) et l’expérimentation assistée par ordinateur (EXAO) ont donné lieu à plusieurs réalisations concrètes; leur aspect positif toutefois se situe peut-être plus au niveau de la formation des enseignants qu’à celui de la rentabilité directe pour l’enseignement courant. Les méthodes de simulation de malades à des fins pédagogiques offrent des perspectives beaucoup plus riches en permettant d’entraîner les étudiants à utiliser des connaissances préalables pour mieux les préparer à la pratique clinique. Les mêmes systèmes informatiques qui aident les médecins à suivre leurs malades hospitalisés offrent aux étudiants et aux internes la possibilité de s’exercer sur des «malades artificiels» par l’intermédiaire de terminaux conversationnels.Certaines réalisations existent: l’étudiant peut «examiner son malade» en posant des questions en langage libre, en demandant des examens de laboratoire. Le système répond aux questions et fournit les résultats des analyses. Lorsqu’il se sent suffisamment informé, l’étudiant peut proposer un diagnostic qui est discuté par le système.Les systèmes informatiques documentaires dans les centres hospitaliers et universitaires sont conçus pour être exploités selon plusieurs modes: un mode purement documentaire qui assure l’acquisition des informations, leur mise à jour et leur sélection; un mode éducatif original, où une interaction conversationnelle entre le système et l’utilisateur permet à ce dernier de préciser progressivement sa question et de demander au système la définition et des exemples d’utilisation de termes techniques; mais aussi un mode d’aide au diagnostic . Cet apprentissage a ainsi l’avantage d’être très lié à la pratique clinique et à la recherche. Il est aussi très économique puisque les systèmes sont déjà «rentabilisés» par les applications purement documentaires, l’utilisation pédagogique jouant le rôle d’une sorte de sous-produit vis-à-vis des investissements nécessaires.Intégration des activités d’un centre hospitalier et universitaireL’exemple qui suit est une illustration de l’étroite collaboration qui peut exister entre l’hôpital et la faculté: le système ARTEMIS mis en place au département hypertension artérielle de l’hôpital Saint-Joseph puis de Broussais, permet l’aide aux soins et le suivi des malades hypertendus, c’est également un outil de recherche épidémiologique; un système expert adjoint à ARTEMIS permet l’aide à la décision diagnostique et thérapeutique.L’informatique oblige à repenser l’ensemble du fonctionnement des centres hospitaliers, l’informatisation doit être organisée autour du malade, sa finalité: ce sont les soins. Durant plusieurs années, le traitement de l’information hospalière est resté limité à l’analyse de tâches administratives, comptables ou à l’étude statistique de critères dépassés. La réforme visant à utiliser systématiquement un minimum d’information médicale pour chaque malade a conduit à la mise en place du résumé de sortie standardisé (RSS). Ces informations sont traitées informatiquement par le programme de médicalisation du système d’information (PMSI) exploité ultérieurement à des fins d’analyse d’activité des services. L’informatique est ainsi un outil d’aide à la décision médicale, car elle améliore le suivi des patients en optimisant la gestion de l’évolution clinique et thérapeutique.En fin de compte, l’informatique n’est pas une discipline nouvelle à côté d’autres spécialités, mais une nouvelle manière d’aborder les problèmes de presque toutes les spécialités.
Encyclopédie Universelle. 2012.